2ème ULFENBACHTAL GELÄNDE CLASSIC (2004)

Y 'a toujours un moment, comme dirait l'autre, où 'faut s'lancer.J'ai beau me passionner pour les enduros 4T depuis des années, y a bien un jour où je devais finir par participer à ma première course d'anciennes.
 
Mon copain Jean , qui s'y est mis depuis l'an dernier en Allemagne, m'a dit:"viens , tu verras, ça vaut le détour,surtout celle-là...c'est la plus belle...". L'endroit se situe dans l'Odenwald, sur les hauteurs du NECKAR aux environs de Heidelberg.
 
Quelques echanges de mails, histoire de mettre un peu les choses au point.J'apprends qu'il n'a pas de remorque, il est toujours allé par la route à toutes les courses qu'il a faites cette année ('faut une sacrée motivation!), et sur ma remorque, je n'ai qu'un rail.Damned!...Allez, hop! que je te bricole vite fait deux chemins de cables, et la voila finalement avec trois rails.Ce montage nous a quand mème semblé un peu fragile vendredi soir dans son garage ,quand on a mis le poids des deux becanes dessus,mais on a compensé en multipliant les sangles de tous les cotés et ,finalement, aucun probleme de transport.

La météo des jours précédents ne prevoyait rien de bon, la pluie battante du vendredi soir laissait envisager les pires scénarios.Course sous une pluie diluvienne, et mème s'il ne pleuvait pas, un bourbier infâme, et cerise sur le gateau, Jean m'avait parlé de montées "bien raides" , de descentes en dévers trés.... "sympas".Ah ouais, dans la boue ça doit ètre "sympa", effectivement....

Grosse surprise, on arrive sur place au petit matin , après une heure de route sous une petite pluie, et là.... le ciel commence a se degager.Un peu de brume, et quelques coins de ciel bleu...on croit réver.

On est accueilli par les organisateurs.Là , je me rends compte que je comprends presque rien à ce qu'ils disent.Leur accent dans ces montagnes est bien différent de l'allemand que j'ai l'habitude d'entendre en ville aux abords de la frontière.Heureusement, Jean parle couramment.

On roule dans les allées en cherchant une place et en reluquant rapidement les bécanes..."hé!..t'as vu!...y'a mème des HL...!"
 
On trouve une place , on s'arrète, et ,surprise,on se retrouve à coté d'un pilote de légende.Herbert SCHEK, figure mythique du TT en Allemagne (11 fois champion d'allemagne, 2 fois champion d'europe, 25 participations aux Six-Jours, et bien sûr 15 participations au DAKAR (vainqueur au classement marathon en '84) et concepteur des machines qui ont fait gagner AURIOL sur BMW...excusez du peu!
Il pose ici en compagnie d'un trés rare exemplaire des 17 prototypes construit avant la gestation et la fabrication en serie des fameuses GS800.Ceux qui veulent en savoir plus, peuvent aller voir ici http://www.motorrad-schek.de/Schek/History/history.html

Ma bécane se fait remarquer dès notre arrivée par son refus absolu de démarrer.(sans doute les trombes d'eau de la veille sur l'autoroute).Le kick glissant, le froid matinal dans les genoux, je me fais mal au mollet en insistant betement.Bref, la journée commence bien !
L'aide ne se fait pas attendre, plusieurs se proposent pour pousser et ,malgré la roue qui accroche mal dans le sol gras ,on finit par y arriver....Un comble, pour une becane qui demarre toujours du premier coup...

Il y avait trois concurrents qui roulaient en HL500.....héééé oui, vous avez bien lu... des HL dans une course d'enduro ! des becanes ho-mo-lo-guées! Ben ouais, en Allemagne, on peut faire immatriculer n'importe quelle becane de cross, il suffit de respecter quelques règles simples.Leur code de la route est sévère lorsqu'on modifie une bécane, mais en contrepartie, il permet encore des homologuations individuelles, chose maintenant quasi impossible en France.Ils ont également un système de "carte grise collection" relativement permissif, largement utilisé sur des enduros anciennes.

Le controle avant le départ est d'ailleurs à l'image du code de la route allemand.Chaque moto est vérifiée en détail.Le montage de mon frein arrière est d'origine, mais ils ont quand mème passé bien 5 minutes pour voir d'où venait le bruit du ressort de rappel !...Mais il faut le reconnaitre, toute cette rigueur va dans le bon sens .Après le formalités administratives et le controle, chacun prend sa place dans le parc.

En arrivant dans le parc, Jean et moi constatons que pratiquement toutes les becanes ont des pneus CROSS neufs.Je trouve ça d'ailleurs assez paradoxal, dans un pays autant axé sur la protection de la nature...

Les concurrents regardent nos pneus T63 et TKC80 a moitié rapés d'un air triste en disant "Ach!...Nicht gut!...."Bon, c'est vrai, on est venu en se disant "on verra bien"

En fait j'était partie dans l'idée que, si ça devenait trop impraticable ou trop glissant, j'abandonnerai la course tout simplement.

On croise encore une trés belle HL dans la file d'attente du controle technique.Je l'ai revue un peu plus tard dans la journée...pendant la spéciale, il m'a doublé comme une fusée...

 

Sur la centaine de participants,il est interessant de noter que 85% des machines sont européennes et sans doute plus de la moitié sont allemandes, principalement MAICO,SACHS,KREIDLER,ZUNDAPP,MZ, aussi quelques autrichiennes KTM et italiennes FANTIC.

Le peu de japonaises présentes etaients bien souvent des modèles spéciaux (HL) ou des bécanes modifiées par des amateurs....avec des pieces allemandes.Temoin cette XT500(No.87) equipée avec des roues et des supensions MAICO+Un superbe bras oscillant ALU MAICO et un guide chaine qui est visiblement copié sur celui qu'on trouve sur les MZ enduro.

 

Entre le controle technique et le départ , on a environ une heure et demie pour prendre un petit dej' dans le hall qui sert aussi, le soir, a la remise des prix.

On termine de se préparer et direction la grille de depart.Le soleil fait son apparition et le temps devient franchement agréable.


A partir de là, les choses serieuses commencent.Le parcours commence par de l'herbe trés grasse ,un pont etroit sans rembardes , une petite portion de bitume, puis les bourbiers se succèdent ,des devers, des descentes dans des chemins inondés d'eaux de ruisselements, des montées boueuses et encombrées de cailloux et de racines.Des chemins etroits où il faut de la vitesse pour passer, mais tellement sinueux qu'il est impossible de prendre de l'élan.A cela s'ajoute une partie chronometrée qui est ,en fait, un terrain de cross visiblement conçu pour des motos modernes (trés sinueux,et avec des sauts importants) pour couronner le tout ,il etait si boueux qu'à certains endroits, les roues s'enfonçaient jusqu'aux moyeux.Lorsque, après coup, on en a discuté avec Herbert SCHEK, on lui a dit que nos pneus se bourraient de terre.Il nous a répondu : "Ben ouais,mais moi, pour faire partir la terre, je donne du gaz pendant les sauts, comme ça , avec la force centrifuge, ça dégage...".
Jean et moi, on se regarde en souriant...."ben ouais, quoi...dans les sauts..."Trés bonne idée, sauf que nous, dans la spéciale, ben on roulait pas assez vite pour sauter , dans les bosses !...
 
Je m'attendais forcément à ce que la course soit dure...mais pas à ce point là.A la fin du premier tour de 15 bornes, j'etais tellement epuisé que je me sentais complètement incapable de faire ça 5 fois dans la journée.On etait sensé faire chaque boucle de 15km en 1 heure,et en fait, on a mis 1h10 pour la première.On a su dès cet instant , qu'on n'arriverait pas à tout faire dans de bonnes conditions.Une de nos crainte étaient que si on s'acharnait bètement, la fatigue finirait par avoir le dessus, et c'est là qu'on chute lourdement,stupidement , et qu'on se fait trés mal.

Jean repart presque aussitot ,moi je préfère faire une longue pause et repartir avec lui au tour suivant .Ma XT est couverte de boue et surchauffe.J'ai les habits trempés comme si j'avais pris une douche tout habillé.Je consacre donc une heure pour mettre des fringues seches et decrotter la bécane.Y avait ,au bas mot, 5 kilos de terres à bord.Ensuite, un petit casse croute et une bouteille de flotte,et ça va mieux....

Les concurrents voisins viennent aux nouvelles car ils s'etonnent de me voir rester planté là et pensaient que j'avais chuté ou cassé.Mais ils comprennent bien vite que je suis hors course,par fatigue,et aussi par manque de preparation.Je suis quand mème rassuré de voir que presque tous les concurrents ont trouvé le parcours assez dur et environ 20% ont abandonné.
 
Vu que je suis dans un endroit de passage ,cette heure de repit me donne l'occasion de voir passer beaucoup de becanes ,comme ce side WASP a moteur XS650, bien dans l'esprit "seventies".

Jean revient au stand pour me chercher, et on décide de retourner au circuit.Chacun continue a rouler à son rythme, lui, continue de faire la "speciale" à chaque tour, et moi,qui en ai un peu marre de la boue, je m'arrète de temps en temps pour faire des photos.Ca me permet de voir passer de belles becanes, et de regarder les HL à l'oeuvre.

Ils ont une sacré pèche les papis !...

Les motos qui tirent leur epingle du jeu dans cette journée, sont incontestablement les 80 et 125 cm3 -2Temps.Leur légèreté leur permet de grimper efficacement, mème si,pour cela,les pilotes doivent faire hurler le moteur dans un vacarme de tronçonneuse en sur-régime. Le meilleur temps en spéciale a d'ailleurs été réalisé par un 80 cc.

L'accueil et la convivialité des stands de ravitaillement "café-gateaux" ne manquent pas de nous rappeler qu'on est là,avant tout, pour se faire plaisir.

Au fur et à mesure que je rencontre des concurrents dans la journée, je m'aperçois que je suis le plus jeune, et également le seul français (Jean vit en Allemagne et donc considéré comme étant allemand).

Les difficultés les plus importantes comportent des déviations, pour faciliter le passage aux sides et aux motos dont les pilotes de plus de 65 ans.Bien peu de pilotes agés ont emprunté ces chemins.Hubert SCHWIND et sa BMW "SCHEK" a terminé sur la plus haute marche du podium en + de 750 cm3 et en plus, il a pris tous les chemins les plus difficiles.J'ai essayé un peu de le suivre, mais il m'a enrhumé vite fait !...Moi, constament sur les freins dans les descentes, lui, continuant a donner des gaz...

En regardant sa moto, on peut trouver bizarre que le règlement autorise une fourche inversée ou un frein à disque. Il s'agit en fait d'une largesse du règlement, car, si théoriquement les "freins à tambours", "bi-ammortisseurs et "refroidissement à air" sont requis, on se connait et on tolère quelques écarts. Mais où est donc passé la légendaire rigueur allemande ? Par contre, la contrainte s'opère sur l'année modèle. La course est reservée aux motos d'avant 1980 .(c'est une des raisons pour laquelle j'y suis allé avec la XT et non avec la Barigo, qui est de 81).La tendance actuelle en Allemagne est de reduire la date limite, pour restreindre le nombre de participant.La vague "moto ancienne" bat son plein et certaines classiques allemandes sont deja réservées au motos d'avant 1976,cela limite automatiquement le nombre de candidats.Difficile dans ces conditions de venir avec une XT ou une BARIGO, meme avec une CG de XT500 1E6, ce serait vraiment louche. Sur certaines classiques, on voit même apparaitre un classement "spécial tricheurs" !

Pendant que je fais le touriste, Jean continue à se faire plaisir en donnant du gaz.Il roule à un rythme bien plus élevé que moi et le paye par quelques chutes sans gravité.Son enthousiasme imperturbable fait vraiment plaisir à voir.Il continue à faire la "spéciale" à chaque tour, le terrain a fini par s'assecher un peu du fait des centaines de passages et de l'absence totale de pluie dans la journée.

En manipulant nos motos a l'arret, on avait constaté une nette différence de poids.

Après verification le lendemain, il s'est avéré que sa moto encore toute équipée accuse tout de mème 20 kilos de plus que la mienne.(Pot d'origine, porte bagage,phares et gdeboue en tole,clignos,batterie)...Tout ça ajoute encore à son merite et sa persevérence.Mais je crois qu'il envisage déja d'alleger sa moto et de la faire passer en CG collection pour etre un peu plus libre, face au code de la route.
 

Lors de sa 4ème spéciale, Jean chute ,brise sa cocotte d'embrayage et tord son guidon.Il se console en disant que la fin de course etait toute proche et il etait de toute façon ,également hors-course.
C'est pourtant ecrit dans tous les livres de "l'enduro pour debutant" qu'il faut emporter des leviers de rechanges et des pieces pour les reparations rapides.Nous, en vrais débutants, on n'y avait mème pas pensé.Heureusement qu'on n'a rien cassé en debut de course, ça nous aurait sans doute gaché la journée...
La fin approche,je me console de mon manque de compétitivité par le fait de pouvoir prendre le temps d'admirer le paysage...ce que je n'avais pas du tout fait pendant le premier tour.Un décor sublime,verdoyant, valloné, varié, un régal pour les yeux à chaque sortie de lisière de forèt.Dans ces moments on se dit qu'on a vraiment bien fait de venir.

J'ai un pincement au coeur lorsque je me dit qu'un jour ou l'autre on finira par ne plus pouvoir rouler dans ces parcs naturels, ardemment défendus par des écolos hargneux.Lors du brieffing de pré-grille, le matin , l'organisateur avait évoqué les difficultés juridiques énormes qu'a rencontré le club local pour organiser cette course.Ca a du se regler au tribunal, non pas a cause des riverains, pas vraiments contres, mais plutot a cause d'associations ecologistes qui ont porté plainte.Le club a encore eu gain de cause cette année, mais pour combien de temps encore?...L'enduro est formellement interdit en Allemagne en dehors des competitions officielles comme celle-ci, mais un jour, peut etre que mème les compétitions seront tout simplement interdites...

Doucement, la journée se termine, et comme souvent outre-Rhin, autour d'une table, avec un Glas-Bier, un BratWurst ,ou un Kaffe-Kuchen.Chacun raconte sa course et la soirée tire un peu en longueur.Il est 20 heures quand on décide de ne plus attendre la remise des prix.Il nous reste une centaine de bornes a faire pour rentrer et on est exténués.

Les motos ,elles aussi,aussi ont l'air bien fatiguées.

On a passé une super journée, on a rencontré des tas de gens supers, on a gouté un peu à la course.On n'a qu'une idée en tète, c'est de remettre ça.Peut-etre avec une moto plus légère (un jour, la BARIGO y aura droit), de meilleurs pneus, un petit stock de pieces de reparations rapides,quelques tours de terrains de cross les weekends qui precedent,bref ,une meilleure préparation.

 

Je ne peux pas terminer cette page sans remercier Jean.Je ne me serait jamais lancé dans une telle aventure, tout seul . C'est grace a lui si ce week end restera pour moi un excellent souvenir.

NICO